Habilitation familiale, pour protéger un proche dépendant

Mis à jour le Mardi 1er avril 2025

L'habilitation familiale est une mesure de protection juridique, au même titre que la tutelle, la curatelle ou la sauvegarde de justice. Elle permet aux familles de représenter, assister ou passer des actes pour un proche vulnérable afin d’assurer la sauvegarde de ses intérêts et ce, sans recourir aux mesures traditionnelles de protection judiciaire plus lourdes (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice). Elle a été instituée par l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, et est régie par les articles 494-1 à 494-12 du Code civil. 

L’habilitation familiale : une histoire de famille 

  • L'habilitation familiale pour un membre de la famille en difficulté  

L'habilitation familiale permet de protéger une personne vulnérable majeure « dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté » (C. civ. art. 425).

L’habilitation familiale peut également concerner un mineur émancipé. La demande doit être introduite et jugée à 17 ans, et ne prendra effet qu’au jour de ses 18 ans (C. civ. art. 429).

Bon à savoir : dans le cas d’une perte d’autonomie partielle, il est possible d’assister votre parent par d’autres moyens, par exemple, une procuration notariée. 

  • Seul un membre de la famille peut être habilité

Seuls certains membres de la famille peuvent être habilités et ce, gratuitement (C. civ. Art. 494-1), à savoir :  

  • les ascendants (parents, grands-parents),  
  • les descendants (les enfants, les petits-enfants),  
  • les frères et sœurs,  
  • et le compagnon (époux, partenaire, concubin), la communauté de vie ne doit pas avoir cessé entre eux (C. civ. Art. 494-1).  

Le membre de la famille choisi doit notamment être juridiquement capable, ne pas avoir été privé de ces droits civiques, civils et de famille (C. civ. Art. 494-1).

Cette habilitation peut s’exercer conjointement, par plusieurs personnes habilitées qui  peuvent, soit réaliser chacune les mêmes actes au nom de la personne à protéger soit accomplir chacune des actes différents au nom de leur proche protégé.

Attention : Si votre proche a établi un mandat de protection future pour choisir par avance qui le représentera en cas d’incapacité, c’est ce mandat qui sera mis en œuvre prioritairement le moment venu. 

La mise en place de l’habilitation familiale par le juge des contentieux de la protection

  • La requête est obligatoire

Une demande d’habilitation doit être présentée au juge des contentieux de la protection par un membre de la famille proche pouvant être habilité (pour rappel, les membres de la famille : C. civ. Art. 494-1), par le procureur de la République ou par le majeur à protéger lui-même (C. civ. Art. 494-3).  

Elle est adressée au greffe du tribunal dont dépend le lieu de résidence du majeur à protéger par le biais d’un formulaire Cerfa n° 15891*03. Une notice accompagne ce formulaire. Elle doit comprendre notamment un certificat médical circonstancié (CPC art. 1218 et 1218-1).  La liste des médecins compétents peut être obtenue auprès du tribunal compétent.

  • Le juge des contentieux de la protection instruit le dossier et décide

Le juge entend ou appelle le majeur à protéger, qui peut être accompagné d'un avocat ou, avec l'accord du juge, de toute personne de son choix, sauf cas particuliers (C. civ. art. 494-4).  

Le juge doit également :  

  • s’assurer de l'adhésion ou, à défaut, de l'absence d'opposition légitime à la mesure d'habilitation et au choix de la personne habilitée des proches (C. civ. art. 494-4 ; CPC art. 1220-4, al. 2);
  • statuer sur le choix de la personne habilitée et l'étendue de l'habilitation en s'assurant que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et, le cas échéant, personnels de l'intéressé. (C. civ. art. 494-5, al. 1);
  • notifier au majeur protégé et au membre de la famille habilité (CPC art. 1230). Le juge peut notifier le jugement aux proches du majeur (CPC art. 1230-1).

Les intéressés ont 15 jours pour faire appel de la décision à compter de la notification de la décision (CPC art. 1239). Un avocat n’est pas obligatoire.

Bon à savoir : si l'habilitation familiale sollicitée ne permet pas d'assurer une protection suffisante, le juge peut ordonner une des mesures de protection judiciaire : sauvegarde de justice,  tutelle ou  curatelle (C. civ. art. 494-5, al. 2). 

  • Publicité de la mesure

L’habilitation générale fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de la personne protégée et est conservée au répertoire civil du greffe du tribunal judiciaire (C. civ., art. 1233).

Bon à savoir : la loi « bien-vieillir », Loi 2024-317 du 8 avril 2024 a institué un registre national où devront être inscrites les habilitations familiales (ainsi que les tutelles, curatelles, sauvegardes de justice et mandats de protection futures) (C. civ. art. 427-1). Les modalités pratiques seront précisées par décret, et au plus tard le 31 décembre 2026. 

L’étendue de l’habilitation familiale

  • Les différentes missions de la personne habilitée  

En fonction des besoins et des capacités de la personne à protéger, le juge peut moduler l’étendue de l’habilitation. Ainsi il peut décider que :

  • L’habilitation portera sur les biens ou sur la protection de la personne ou sur les deux (C. civ., art. 494-6 al 1à 3) ;
  • la personne habilitée remplira :
    • une mission d’assistance (dans les conditions de la curatelle) ;  
    • ou une mission de représentation (équivalant à la tutelle) ;  
    • Certains actes ne pourront être passés qu’avec l’accord du juge : par exemple la vente du logement (C. cv., art. 426).  
  • L’habilitation sera générale (et permettra d’accomplir l’ensemble des actes portant sur les biens et/ou la personne) ou spéciale (ne portera que sur certains actes déterminés).  

La loi impose cependant certaines limites et notamment :  

  • La personne habilitée (à titre général ou spécial) ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit en représentation (donation, leg) qu'avec l'autorisation du juge des tutelles (C. civ., art. 494-6 al. 4).  
  • Concernant les actes relatifs à la protection de la personne, ne pourront pas être accomplis (par assistance ou représentation) par la personne habilitée les actes nécessitant un consentement strictement personnel (C. civ., art. 457-1 à 459-2).
  • L'habilitation familiale générale  

L'habilitation familiale générale permet à la personne habilitée d’accomplir, l’ensemble des actes :

  • relatifs au patrimoine de la personne à protéger : les actes d’administration (ouverture compte bancaire en cas de représentation (C. civ., art. 494-7), perception de revenus, résiliation d’un bail en tant que bailleur etc.) et les  actes de disposition (vente d’un bien immobilier...).  
  • Et /ou relatifs à la personne à protéger : décisions médicales par exemple, pacs...

Toutefois, la personne habilitée à titre général ne peut pas accomplir un acte pour lesquels elle serait en opposition d'intérêts avec la personne protégée. Le juge peut les autoriser exceptionnellement. (C. civ., art. 494-6 al. 6).

L’habilitation familiale est accordée pour une durée maximale de 10 ans et renouvelée une fois pour la même durée si nécessaire. L’habilitation familiale peut être renouvelée pour une durée plus longue, mais qui ne doit pas excéder 20 ans et seulement si, l’altération des facultés de la personne est irrémédiable (C. civ. art. 494-6, al. 7). D’ailleurs, il est nécessaire d’avoir l’avis conforme du médecin.

  • L’habilitation familiale limitée ou spéciale

L’habilitation familiale peut aussi être limitée à quelques actes déterminés. Il peut s’agir d’actes relatifs aux biens et/ou à la personne protégée. Les limites liées aux actes à titre gratuit ou nécessitant un consentement strictement personnel s’appliquent.  

La personne protégée peut continuer à accomplir les actes qui ne sont pas confiés à la personne habilitée.  

L'habilitation spéciale n'est pas limitée dans le temps.  
Elle dure tant que l'acte pour lequel elle a été délivrée n'a pas été accompli.  

Contrôle de l’habilitation familiale

La personne habilitée, contrairement au tuteur ou au curateur n’est pas tenue de rendre un compte de gestion pendant la durée de l’habilitation mais pourra être tenue responsable d’une mauvaise gestion à l’issue de la mesure.  

Si la personne habilitée accomplit un acte en dehors de l’habilitation, cet acte est nul de plein droit (C. civ., art. 494-9, al. 5).

Si la personne protégée réalise seule des actes pour lesquels elle devait être assistée ou représentée, la nullité de ces actes peut être prononcée par le juge. II en est de même pour les actes qu’elle a accomplis dans les deux ans qui précèdent la mise en place de l’habilitation (C. civ., art. 494-9 al 1 à 3).

La fin de l’habilitation familiale  

La mesure d’habilitation familiale prend fin (C. civ. art. 494-11) :

  • À tout moment si le juge estime qu’elle n’est plus nécessaire, à la demande de l’un des proches du majeur protégé ou du procureur de la République, après avis médical,
  • Après réalisation des actes pour lesquels elle avait été demandée,
  • À l’expiration de la durée fixée en l’absence de renouvellement,
  • Si une mesure de sauvegarde de justice, de curatelle ou de tutelle est accordée pour protéger les intérêts du majeur,  
  • En cas de décès de la personne protégée.

La fin de l'habilitation familiale générale fait l'objet d'une mention en marge de l'acte de naissance du majeur (C. civ. art. 494-6, al. 8).

 

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