La proclamation de la liberté du commerce et de l'industrie à l'époque révolutionnaire marque une fracture avec la société de l'Ancien régime. En effet, la loi Chapelier à la suite du décret d'Allarde de 1791 met fin aux corporations c'est-à-dire au monopole de l'exercice de certains métiers par un petit nombre exclusif de maitres. Par la suite, cette liberté n’a eu de cesse d’être réaffirmée en France et en Europe.
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Qu'est-ce que la liberté du commerce et de l'industrie ? Définition
La liberté du commerce et de l’industrie renvoie à la liberté de principe offerte à toute personne de choisir son activité économique et d’en déterminer les conditions.
Elle renvoie à différentes libertés voisines :
- La liberté d’entreprendre, plus large et définie par le Conseil constitutionnel comme « la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également [comme] la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité » (Cons. Const., 27 mars 2014, déc. n° 2014-692 DC);
- La liberté d’exploitation : l’entrepreneur décide des moyens à engager pour assurer le succès de son activité ;
- La liberté de la concurrence, principe fondateur de l’Union européenne : l’entrepreneur peut exercer son activité en concurrence avec les autres entrepreneur.
Les sources - en droit français
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie a été institué par l’article 7 de la loi des 2 et 17 mars 1791 dit « décret d’Allarde » qui précise qu’il « sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer tel profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ».
Cette liberté a été par la suite confirmée par la loi des 14 et 17 juin 1791 dite « Le Chapelier » qui supprime les corporations.
Le principe de la liberté d’entreprendre a été consacré comme principe à valeur constitutionnelle sur le fondement de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (Conseil constitutionnel, DC n°81-132, Loi relative aux nationalisations, 16 janvier 1982).
• En droit européen
La liberté du commerce et de l’industrie a tout d’abord été consacrée par le Traité de Rome en 1957 sous le prisme de la liberté d’établissement. Cette dernière concerne la liberté pour chaque ressortissant de l’Union Européenne de circuler sur le territoire communautaire et de s’installer dans un des Etats membres pour y mener l’activité économique de son choix dans le respect des lois.
Depuis la création en 1992 du Marché Unique par le Traité de l’Union Européenne (ou Traité de Maastricht), les libertés garanties au sein de l’Union Européenne sont : la libre-circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes.
Il appartient à la Cour de justice européenne de protéger l’application de cette liberté d’établissement contre des dispositions nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant son exercice, mais également de veiller à son application par les particuliers.
Depuis 2000, la liberté du commerce et de l’industrie figure à l’article 16 de la Charte de l’Union européenne selon laquelle « la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales ». L’article 15 consacre quant à lui « le droit pour toute personne de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou accepté ».
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne consacre pas de manière formelle la liberté du commerce et de l’industrie. Cependant, la Cour européenne des droits de l’homme protège indirectement cette liberté en la rattachant à d’autres consacrées par la Convention. Par exemple, elle conclut à la violation de l’interdiction de la discrimination ainsi que de la liberté de pensée, de conscience et de religion, par la législation grecque qui interdit l’accès à la profession d’expert-comptable à toute personne ayant commis une infraction sans limiter cette interdiction à la commission de certaines infractions graves. En l’espèce, le requérant avait été condamné pour refus du port d’uniforme pour des motifs religieux (CEDH grande chambre, 6 avril 2000, n°34369/97, Thlimmenos c. Grèce).
Les effets de la liberté du commerce et de l’industrie : quelques illustrations
La liberté du commerce et de l’industrie promeut la possibilité d’entreprendre sans obstacles.
Exemples :
- En 2016, le Conseil constitutionnel, a censuré l’article L.3121-10 du Code des transports interdisant le cumul des activités de conducteur de taxi et de conducteur de voiture de transport avec chauffeur comme contraire à la Constitution car portant une atteinte non justifiée à la liberté d’entreprendre (Conseil constitutionnel, QPC n°2015-516 du 15 janvier 2016, M. Robert M. et autres) ;
- Le Conseil constitutionnel dans une perspective de maintien de la concurrence d’une entreprise française vers l’extérieur a censuré la suspension de la fabrication et de l’exportation de produits à base de bisphénol A en considérant que si ces produits ne pouvaient pas être commercialisés en France, ils pouvaient l’être dans de nombreux pays et qu’une telle suspension portait une atteinte disproportionné à la liberté d’entreprendre (Conseil Constitutionnel, QPC n°2015-480 du 17 septembre 2015, Association Plastics Europe) ;
- La loi n°2010-658 du 15 juin 2010 a consacré la possibilité pour le mineur émancipé d’exercer le commerce sur décision du juge des tutelles.
Les limites à la liberté du commerce et de l’industrie
La liberté du commerce et de l’industrie n’est pas générale et absolue. Par conséquent, il est possible pour le législateur d’y apporter des restrictions. Ces limites peuvent être justifiées par la protection de l’intérêt général tout comme des intérêts particuliers.
Les limites au nom de la protection de l’intérêt général
Ces limites relèvent de l’ordre public de direction. En d’autres termes, elles visent à protéger l’intérêt général de la société. Il en est ainsi, lorsque la loi soumet l’accès et l’exercice d’activités professionnelles à des autorisations ou à des déclarations administratives, ou lorsqu’elle nationalise certaines activités.
Exemples :
- Interdiction de la publicité en faveur du tabac et des boissons alcoolisées au nom de la protection de la santé publique ;
- Interdiction d’exercer certaines professions comme celles en lien avec les mineurs suite à une condamnation pénale ;
- Ouverture de l’accès à certaines professions à l’obtention d’un diplôme ou d’un concours ;
- Aides des collectivités territoriales aux entreprises limitant la libre concurrence ;
- Obligation d’obtenir un agrément pour l’organisation de jeux en ligne…
Les limites au nom de la protection d’intérêts particuliers :
Ces limites relèvent de l’ordre public de protection. En d’autres termes, elles visent à protéger les individus ou certaines catégories de personnes comme les consommateurs des abus de la liberté du commerce et de l’industrie.
Exemples :
- Fermeture d’un commerce pour des raisons de santé publique ;
- Impossibilité pour un mineur d’exercer une activité commerciale ;
- Tarifs réglementés pour certains actes établis par les notaires afin de protéger les clients ;
- Limitation du temps de travail des salariés…
Les juridictions françaises, au premier rang desquelles le Conseil constitutionnel et les juridictions européennes, ainsi que certaines autorités comme l’autorité de la concurrence veillent à ce que ces limitations soient justifiées, nécessaires et proportionnées.
Le notaire au service des collectivités territoriales
Tant en droit interne, qu’en droit communautaire, les notaires, dans leur activité sont amenés à vérifier la bonne application de la liberté du commerce et de l’industrie, par exemple dans le cadre relatif aux aides publiques aux entreprises.