Au 1er mai 2024, trente-sept Etats dans le monde autorisaient le mariage entre personnes de même sexe. Si les Pays-Bas, ont été précurseur avec une loi adoptée en 2001, c’est la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 qui consacre en France, la possibilité pour les couples de même sexe de se marier. Pour autant, le mariage entre personnes de même sexe reste prohibé dans de nombreux Etats comme la Croatie, le Liban, le Nigeria ou encore le Japon. Avec la mondialisation et la circulation des personnes, ces différences de législation induisent des questionnements lorsque les membres du couple sont de nationalité différente.
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MARIAGE CÉLÈBRE EN FRANCE
Puis-je me marier en France avec une personne de même sexe et de nationalité étrangère ?
En France, et par principe, les qualités et conditions requises pour se marier sont régies, « pour chacun des époux, par sa loi personnelle », c’est à dire la loi de la nationalité (C.civ., art. 202-1). Lorsque les futurs époux sont de nationalité différente, on applique de façon distributive à chaque époux sa loi personnelle.
À titre d’exception, en ce qui concerne le mariage homosexuel, la loi française prévoit que « deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet " (Code civil, art. 202-1, alinéa 1 et 2). Ainsi, un étranger dont la loi nationale interdit l’union entre personnes de même sexe peut se marier en France dès lors que la loi de l’Etat où il a élu domicile ( lieu principal d’établissement) ou a sa résidence autorise le mariage entre personne de même sexe. En prévoyant ces critères de rattachement alternatifs, le législateur français favorise la conclusion des mariages entre personnes de même sexe. Par exemple, un Iranien qui réside en Grèce peut se marier avec une personne de même sexe alors même que la loi iranienne prohibe cette union car la loi grecque le permet depuis février 2024.
Cependant, la France est liée à certains Etats par des conventions bilatérales prévoyant l’application de la loi nationale aux questions relevant du statut personnel. Ces pays sont l’Algérie, la Bosnie-Herzégovine, le Cambodge, le Kosovo, le Laos, le Maroc, le Monténégro, la Pologne, la Serbie, la Slovénie et la Tunisie.. Il résulte en principe de ces conventions que les ressortissants de ces pays ne peuvent pas se marier en France avec une personne de même sexe.
Pourtant, la Cour de Cassation a pu affirmer en 2015 que le mariage entre personnes de même sexe était une liberté fondamentale à laquelle une convention passée entre la France et le Maroc ne pouvait faire obstacle. Elle a ainsi écarté l’application de la convention franco-marocaine, au nom de l’ordre public et validé le mariage dès lors que le futur époux marocain avait un lien de rattachement avec la France, tel que son domicile (Civ.1ère 28 janv.2015, FS-P+B+R+I, n°13-50.059).
Une dépêche du Garde des sceaux de 2016 a invité les procureurs à ne plus s’opposer à ce type de mariages dès lors que les conditions de l'article 202-1 du Code civil sont réunies et y compris lorsque l’un des époux est originaire d’un Etat avec lequel la France a passé une convention bilatérale ( Rép. Jerretie et Carvounas: AN 21-11-2017 n°1577).
Cependant dans toutes ces hypothèses, la question de la reconnaissance de ces mariages à l’étranger reste épineuse.
Le mariage célébré en France pourra-t-il être reconnu à l’étranger ?
La réponse n’est pas la même selon le pays concerné.
Certains pays ont adopté la même politique législative que la France, la reconnaissance ne pose donc aucune difficulté.. Par exemple, un couple franco-belge marié en France et qui s’installe à Bruxelles ne rencontrera aucune difficulté pour faire reconnaître son mariage en Belgique.
En revanche, certains États refuseront de reconnaître le moindre effet au mariage entre personnes de même sexe au nom de l’ordre public international. Tel serait probablement le cas dans les pays qui, comme la Hongrie, la Pologne ou la Bulgarie, ont inscrit l’hétérosexualité du mariage dans leur Constitution. Il en ira de même des pays qui, comme la Roumanie, ont édicté une règle de conflit de loi empêchant la reconnaissance des mariages entre personnes de même sexe célébrés à l’étranger. Pour avertir les futurs époux des difficultés que leur mariage pourrait engendrer à l’étranger, une circulaire du 29 mai 2013 invite l’officier de l’état civil à attirer l’attention des futurs époux quant au risque que leur mariage ne soit pas reconnu par le pays du conjoint.
Cependant, il faut souligner que certains Etats ne reconnaissant pas le mariage entre personnes de même sexe l’assimilent à un partenariat enregistré, similaire au pacte civil de solidarité. Il en va ainsi par exemple en Italie, à Chypre ou en Hongrie. De fait, : le mariage sera assimilé au partenariat et les époux auront les mêmes droits que des partenaires.
Marié en France et vivant à l’étranger, comment puis-je divorcer ? Quelle sera la loi applicable au divorce ?
S’agissant de la loi et de la compétence juridictionnelle, la réponse n’est pas la même selon l’Etat de résidence (Voir fiche divorce et résidence à l’étranger). Si ce dernier reconnaît l’union entre personnes de même sexe, les époux pourront demander le divorce devant les juridictions compétentes sans difficultés. Néanmoins, si le pays ne reconnaît pas leur union, les époux peuvent se retrouver dans une impasse. Des époux, l’un français, l’autre roumain, se marient en France et s’installent à Bucarest. S’ils souhaitent divorcer, les juridictions roumaines sont seules compétentes (en application du règlement Bruxelles II bis). Or, comme leur mariage est considéré comme nul en Roumanie, il semble peu probable que le juge accepte de prononcer le divorce. Une solution pourrait être que l’époux français fixe sa résidence habituelle en France avant d’y demander le divorce.
J’ai des biens situés à l’étranger. Mon conjoint pourra-t-il en hériter ?
La loi personnelle du défunt détermine si une personne peut être considérée comme le conjoint survivant, mais la loi successorale décide si le conjoint est héritier et dans quelle proportion. Dans le cas d’un conjoint survivant homosexuel, bon nombre de législations étrangères refuseront de lui accorder des droits.
Depuis l’entrée en application du règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012, sur les successions internationales, le critère de rattachement principal est celui de la dernière résidence habituelle du défunt. Ce critère détermine la loi applicable à l’ensemble des opérations successorales et aux droits des bénéficiaires dans la succession, dont ceux du conjoint survivant (article 23 b du Règlement). Le règlement admet aussi la professio juris, c’est-à-dire la possibilité pour chacun de choisir sa loi nationale (ou l’une de ses lois nationales) pour régir l’ensemble de sa succession. Cette loi peut être la loi d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État tiers.
Si la loi successorale désignée par la règle de conflit de lois ou dans le cadre d’une professio juris est celle d’un pays qui autorise le mariage entre personnes de même sexe, il n’y aura pas d’obstacle à ce que cette loi s’applique. Mais il en ira différemment si cette loi est celle d’un État qui ignore ou prohibe l’union entre personnes de même sexe. Par exemple, pour un Français dont le conjoint est turc ou bulgare, il sera impossible de revendiquer son statut marital pour hériter et appréhender des biens dans ces pays.
De fait, si un Français marié à une personne de même sexe s’installe dans un pays qui n’admet pas cette union, le notaire pourrait lui conseiller de soumettre sa succession à la loi française comme le permet le Règlement UE du 4 juillet 2012. Mais encore faut-il que cette «professio juris» soit admise par la législation de ce pays ! Si ce n’est pas le cas, la consultation chez un notaire est dans ce cas impérative pour rechercher une solution.
MARIAGE CÉLÈBRE À L’ÉTRANGER
Je suis Français et je réside à l’étranger dans un pays qui ne reconnaît pas le mariage entre personnes de même sexe. Où puis-je me marier ?
Selon l’article 202-2 du Code civil, le mariage est valable s’il a été célébré conformément à la loi de l’Etat sur le territoire duquel a eu lieu la célébration. Cette loi détermine l’autorité (civile ou religieuse) devant laquelle l’union doit être célébrée ou encore les formalités de publicité nécessaires.
Outre la forme locale, deux français peuvent se marier à l’étranger devant un agent diplomatique ou consulaire français (art. 48 du C. civ.). Dans certains pays, dont la liste est fixée par décret, les agents consulaires ou diplomatiques peuvent même célébrer le mariage entre un français et un étranger (C. civ., art.171-1 al. 3).
Ce sont alors les conditions de forme de la loi française qui s’appliquent. Pour être célébré devant un agent diplomatique ou consulaire, certaines formalités doivent être respectées : constitution d’un dossier de mariage, publication des bans et production d’un certificat de capacité à mariage (art. 171-2 et 171-3 du C. civ.). Après la célébration et pour être opposable aux tiers, le mariage doit être transcrit sur les registres d’état civil français (art. 171-5 du C. civ.).
Néanmoins, cette célébration n’est possible que si la loi de l’Etat de résidence ne s’oppose pas à toute célébration de mariage par les consuls ( états Unis par exemple) ou au mariage entre personnes de même sexe (Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963).
Si l’union ne peut pas être célébrée à l’étranger, elle pourra l’être en France. Dans cet objectif, la loi du 17 mai 2013 a élargi la compétence territoriale de l’officier d’état civil en matière de mariage. Ainsi, les futurs époux pourront se marier, en France, dans leur commune de naissance, dans celle de leur dernière résidence ou de la résidence ou du domicile de l’un de leurs parents. À défaut, le mariage sera célébré par l’officier d’état civil de la commune de leur choix (Code civil, article 171-9).
Je me suis marié il y a plusieurs années dans un pays étranger qui admettait le mariage entre personnes de même sexe. Ce mariage est-il reconnu en France ? Dois-je me marier à nouveau en France ?
Les mariages célébrés avant le 18 mai 2013 (entrée en vigueur de la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe en France) :
Tout mariage concernant un Français ou un étranger dont la loi nationale n’autorisait pas l’union entre personne de même sexe ne pouvait pas produire d’effet en France.
Le remariage n’était pour autant pas envisageable car cela aurait créé une situation de bigamie. Pour pallier cette difficulté, le législateur a permis aux époux mariés avant le 18 mai 2013, dont l’un au moins est français de régulariser leur situation en procédant à la transcription du mariage auprès de l’autorité consulaire ou diplomatique du lieu de célébration (Loi du 17 mai 2013, art. 21).
Quant aux effets du mariage, une distinction est opérée entre les époux et les tiers :
- Entre les époux, le mariage produit ses effets dès la célébration. Par exemple, en cas de décès le conjoint sera considéré comme époux survivant.
- Vis-à-vis des tiers, le mariage n’est opposable qu’après sa transcription, par exemple pour obtenir des droits sociaux, dans les relations avec l’administration fiscale…
Les mariages célébrés à compter du 18 mai 2013 sont appréciés par le juge français au regard des critères prévus par les articles 202-1 et 202-2 du Code civil, notamment à l’occasion d’une succession ou de la transcription du mariage sur les registres français.